Le magasin «amiral» de Nespresso, avenue des Champs-Élysées à Paris, offre à sa clientèle un espace libre service où le client évolue dans un univers à la «Playtime», froid et technologique.
Dans ce monde futuriste voulu par la marque, l’expérience est déroutante par sa froideur et sa déshumanisation. Même si nous rencontrons déjà des automates tous les jours, et s’il n’y a pas réellement de différence entre se servir soi-même dans une station service ou un magasin de café, le ressenti est ici étrangement différent.
Les distributeurs de café, ou plutôt d’étuis de capsules, sont disposés dans un alignement très graphique et esthétique. On retrouve l’idée des boutiques M&M’s, mais sans les couleurs et la chaleur des bonbons. Les étuis sont disposés à l’horizontale, en profondeur et par rangées de 5. Le client équipé de son sac, les récupère un à un. Chaque espace vide est immédiatement comblé par un nouvel étui, dans un ralenti très étudié, presque cinématographique. Ni trop lent, le client ne doit pas attendre, ni trop rapide, il ne doit pas être surpris ou stressé.
Une fois sa sélection terminée, le client se dirige vers les caisses, d’étranges cubes lumineux dans lesquels il pose son sac. La magie du RFID opère, le sac est analysé, chaque étui est reconnu, et une pesée finale confirme qu’il n’y a pas d’erreur. Il ne reste plus qu’à payer par carte et ressortir du magasin.
La froideur vient de l’apparence des lieux -même si les matériaux utilisés sont nobles-, des technologies employées, et de l’absence de tout contact humain.
L’expérience est déroutante car elle laisse présager un futur de plus en plus individuel, distant, inamical. Nous nous y habituerons sans doute, au point même d’en redemander. Un jour viendra où tous les articles des supermarchés seront équipés de leur étiquette RFID, le caddy scannera au fur et à mesure les articles, et le passage en caisse ne sera plus nécessaire.
Si j’ai abordé ce sujet aujourd’hui, ce n’est pas par rejet de la technologie. Il y a bien sur à craindre des dérives de la radio-identification et de la traçabilité. Quand nos habits seront truffés d’étiquettes RFID, les publicitaires et marchands se feront un plaisir de nous scanner à notre insu pour nous proposer des produits de plus en plus adaptés, auxquels nous ne saurons résister.
Cet article est l’expression d’un ressenti, d’une sensation étrange devant une évolution inéluctable de notre société.
[EDIT 31/10/2019: Ce magasin ferme ses portes aujourd’hui]
La radio-identification, ou RFID, est une technologie qui permet de lire à distance des données stockées sur des radio-étiquettes.
Ces étiquettes sont minuscules et peuvent être collées sur des objets ou implantées dans des organismes vivants.
Playtime est une dénonciation de l’ultra-modernisation et de ses absurdités. Ce film mythique de Jacques Tati est considéré par certains critiques comme l’un des meilleurs films de tous les temps.
Son échec commercial en 1967 a malheureusement quasiment ruiné son auteur.
Crédits Photos : © Sébastien Mougey, à l’exception de la capture du film Playtime qui provient du site Musselsoppans Vänner’s
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